Poissons, tumeurs et controverse

Publié le par Gaetrach

Dans une baie d'Indonésie, poissons, tumeurs et controverse

BAIE DE BUYAT AFP -Par Nabiha SHAHAB
lundi 23 avril 2007
 

La mer peu profonde est couleur turquoise, un pêcheur porte un seau rempli de poissons, une femme dévoile une tumeur grosse comme un poing: la controverse agite une région d'Indonésie où le géant minier américain Newmont aurait pollué l'environnement.

Le site, à l'extrême nord de l'île de Célèbes, a tout d'un paradis tropical: une côte vallonnée et sablonneuse bordée de cocotiers, des plages paisibles sur lesquelles sont hissées des pirogues à balancier.

"Où donc ailleurs qu'ici pourrais-je me procurer autant de poisson, avec autant de facilité?", s'interroge Junaidi, fier de ses prises du jour.

Cet Indonésien de 20 ans ne croit pas à la pollution de la baie de Buyat, une thèse également niée en bloc par la firme Newmont, premier producteur d'or du monde. Jusqu'en 2004 Newmont a exploité ici une mine. Elle a rejeté dans la mer des quantités de mercure et d'arsenic, en affirmant être restée dans les normes en vigueur. Ce n'est pas l'avis du gouvernement indonésien et des écologistes. A l'issue d'un procès fleuve, le tribunal de la ville voisine de Manado dira mardi si le géant minier a gravement empoisonné la baie et les villageois.

Junaidi n'ira pas écouter le verdict. Mais d'autres pêcheurs iront. Ils se plaignent de maux étranges et dénoncent des morts précoces.
On les rencontre plus au sud, à six heures de route, là où ils ont déménagé il y a deux ans. Leur village s'appelle Buyat, comme la baie qu'ils ont quittée. "Nous avons demandé au gouvernement d'installer ailleurs les habitants de la baie, car c'étaient eux qui souffraient le plus", explique Faisal Paputungan, responsable d'une association regroupant 800 malades. L'homme de 64 ans assure endurer des douleurs aux pieds et des crampes, des maux partagés par de nombreux résidents de Buyat. Chaque mois le petit dispensaire accueille selon lui deux cents patients, affligés de migraines, d'hypertension artérielle, de tumeurs. Avant 1999, le centre de soins recevait nettement moins de monde, indique l'infirmière Fatlun Gonibala. Mais depuis l'affaire Newmont, de nouveaux malades ont afflué, affirme-t-elle. Abdullah Mokodompit, 60 ans, confie dépendre totalement de ses quatre enfants pour survivre, ses douleurs l'empêchant de travailler.

Les médecins lui ont retiré l'an passé une tumeur sur le flanc.
Son épouse Jania Ompi, 44 ans, s'étend en chien de fusil et remonte sa chemise: au centre de son dos, une tumeur de la taille d'une pomme de terre a poussé le long de sa colonne vertébrale. Elle a aussi été opérée, pour des problèmes oculaires. "Mieux vaut mourir que de vivre ainsi", se lamente la paysanne. Budi Haryanto, épidémiologiste à l'Université d'Indonésie, dit avoir découvert des traces d'arsenic dans l'urine et les ongles des villageois de Buyat. Il dit que l'eau qu'ils consommaient était contaminée. Mais Newmont est sûr d'avoir démontré que toutes ces pathologies n'ont rien à voir avec ses activités.

Le groupe minier cite des relevés effectués par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui ont conclu à l'absence de pollution majeure.
"Nos avocats ont systématiquement prouvé que la baie n'avait pas été polluée, que l'eau était pure, que les poissons allaient bien", a affirmé vendredi Richard Ness, président de Newmont Indonesie. Il encourt trois ans de prison. "Une quarantaine de personnes ont témoigné sous serment que Buyat était pollué", réplique M. Paputungan. "Quoi que fasse Newmont, ils ne pourront étouffer les problèmes survenus après l'arrivée de la mine".


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Le géant minier Newmont blanchi de l'accusation de pollution en Indonésie

MANADO AFP -par Nabiha SHAHAB
mardi 24 avril 2007

Le géant minier américain Newmont, premier producteur mondial d'or, a été blanchi mardi par un tribunal indonésien de l'accusation d'avoir gravement contaminé une baie d'Indonésie.

Les juges ont estimé que la firme basée à Denver (Colorado) n'a pas pollué la mer au nord de l'île de Célèbes, détruisant l'écosystème et empoisonnant les habitants, ainsi que le soutenaient le gouvernement et les écologistes. "L'eau de la baie de Buyat n'a pas été contaminée par les rejets de PT Newmont", a déclaré le magistrat Ridwan Damanik au sujet de PT Newmont Minahasa Raya, la filiale indonésienne de Newmont.

Le verdict a détaillé les résultats de différentes études qui ont toutes conclu sauf une que le niveau de pollution était demeuré "sous les seuils (autorisés)".

L'affaire avait éclaté en août 2004 quand des habitants de la baie de Buyat à Sulawesi (autre nom de Célèbes) avaient accusé Newmont d'avoir rejeté de fortes quantités de mercure et d'arsenic de sa mine d'or. Selon eux la société a causé des morts ainsi que des maladies cutanées et neurologiques.

L'Américain Richard Ness, président de PT Newmont, a été innocenté par le même tribunal. Il encourait trois ans de prison. La décision a été accueillie par des applaudissements dans la salle d'audience. "Nous sommes soulagés", s'est exclamé Robert Gallagher, vice-président de Newmont Indonesie.
A l'extérieur du bâtiment s'étaient massés des centaines de manifestants, face à de nombreux policiers armés, en tenue anti-émeute. Parmi les protestataires se trouvaient de nombreux militants écologistes ainsi que des dizaines de villageois qui affirment être tombés malades à cause des rejets toxiques de Newmont. Ils accusaient sur leurs banderoles la firme américaine de "crime environnemental".
Certains ont accusé le coup en apprenant la relaxe du géant minier. "C'est injuste, c'est injuste", s'est effondrée Janiah Ompi, une paysanne souffrant d'une tumeur causée selon elle par les rejets de Newmont. "Aujourd'hui l'Etat devrait pleurer, car c'est lui le grand perdant", a pour sa part estimé Rignolda Jamaluddin, un océanologue de l'université Sam Ratulangi de Manado persuadé de la contamination de l'écosystème.

Le groupe américain s'était entouré d'une puissante équipe d'avocats internationaux et indonésiens. Il a assuré être resté dans les normes en vigueur concernant ses déchets toxiques durant le procès qui s'est étalé sur vingt mois. La saga judiciaire Newmont a pris une dimension emblématique dépassant les enjeux locaux de la baie de Buyat. D'un côté une partie des Indonésiens pensaient qu'une condamnation de Newmont serait une bonne chose pour l'Indonésie, un pays où les grandes firmes sont souvent accusées de s'acheter une bonne conduite grâce à des pots-de-vin. De l'autre de nombreux investisseurs étrangers, agacés par la corruption en Indonesie, s'étaient rangés du côté de "Rick" Ness, en affirmant - sans preuves - que des juges et des responsables tentaient de s'enrichir sur le dos de Newmont, en le forçant à débourser des millions de dollars. Priyo Pribadi, directeur général de l'Association minière d'Indonésie, a estimé que le verdict aurait des conséquences positives. "Les investisseurs auront confiance dans le système judiciaire indonésien et cela est capital", a-t-il dit à l'AFP.

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